Biographie de Bérurier Noir
LEUR DISCOGRAPHIE :* Macadam massacre (1983) - LP 10 titres (+ 10 sur le CD)
* Concerto pour détraqués (1985) - LP 11 titres (+ 5 sur le CD)
* Abracadaboum (1987) - LP 10 titres (+ 10 sur le CD)
* Souvent fauché, toujours marteau (1989) - LP 10 titres (+ 2 sur CD)
* Viva Bertaga (1990) - LP live du concert d'adieu 22 titres
* Carnaval des agités (1995) - LP live 20 titres
* La bataille de Pali-Kao (1998) - LP live 20 titres
* Même pas mort (2003) - 2DVD+CD contenant titres live et inédits
* L'Opéra des Loups (2005) - DVD+CD live 16 titres ou DVD seul
* Chant des Meutes (2006) - LP live 13 titres
* Invisible (2006) - CD 12 titres
« Combien êtes-vous dans la salle ? Formez des groupes de rock... LIBRES ! ». Ces derniers mots lâchés par François à la fin de la dernière nuit noire bérurière, le 11 novembre 1989, résonne comme un passage de témoin entre deux générations. Deux époques, deux visions du monde également. Car le paysage musical français est bien différent dix années auparavant. Si la vague punk britannique a su faire quelques émules de ce côté-ci de la Manche (Starshooter et surtout Métal Urbain), la jeunesse hexagonale préfère encore s’enthousiasmer pour des formations plus consensuels (Téléphone), laissant aux seuls Trust le soin de cracher révolte et mépris sur ces années Giscardiennes. Le climat social est mauvais, le chômage augmente, en banlieue les cités-dortoirs se transforment en ghettos, et l’on commence déjà à pointer du doigt les délires urbanistes des années 60/70. C’est dans ce climat maussade que François et Olaf forment leur premier groupe en 1978 qu’ils baptisent du nom de Bérurier. Bérurier, le célèbre bras droit du commissaire San Antonio qui regroupe sous sa crasse tout les maux du beauf’ moyen : con, raciste, borné, grande gueule, porté sur le sexe et la bouteille, en bref une caricature à échelle humaine de ce qu’une société civilisée peut engendrer de pire. Une foultitude de défauts contrebalancée par une faconde intarissable et un humour désopilant. Après quelques prestations chaotiques, le quatuor splitte sans surprise en 1980, donnant naissance au Bérurier deuxième génération : François au chant, Olaf et Pierrot aux guitares et une Electro-Harmonix D.R.M. 16 baptisée Dédé en guise d’organe rythmique. Le trio enchaîne à cette époque les concerts dans les squatts du XIXe et du XXe ainsi qu’en banlieue. Mais si le groupe commence à étoffer un répertoire encore bien léger, il n’est jamais bien loin d’un chaos fatal. Ainsi, Pierrot gravement accros à l’alcool est envoyé en cure de désintoxication, puis sous les drapeaux, avant d’être interné en hôpital psychiatrique. En matérialisant l’inhumanité d’un système où la force et l’aliénation physique et psychiques font loi, la descente aux enfers de Pierrot va dès lors stigmatiser nombre des futurs discours Béruréens. Pour pallier à cette défection forcée, les deux rescapés font appel au guitariste de Guernica, Loran, qui devient rapidement la seconde moitié des Bérus lorsqu’Olaf quitte à son tour le navire en 1982. Réduits à un simple duo, François et Loran décident de suicider Bérurier lors d’un ultime concert à l’Usine Pali-Kao.
Baptisé pour cette funeste circonstance Bérurier Noir, le groupe surprend son auditoire par un show spontané et original. Une prestation théâtrale au cours de laquelle François intronise les célèbres déguisements, masques et autres ustensiles qui deviendront la marque de fabrique du groupe. La performance, ce soir-là, subjugue un public qui, contre toute attente, en redemande. En ce 19 février 1983, Pali-Kao signe donc d’une main l’acte de décès de Bérurier tout en saluant de l’autre la naissance des Bérurier Noir. Le nom ne tarde guère à faire le tour d’un underground parisien qui se presse aux concerts toujours plus furax du binôme masqué. En mars, celui-ci entre au Studio Mesa pour y enregistrer un album dix titres mais juge au final la production bien trop propre. Loran et François décident néanmoins de garder quatre d’entre eux, « Nada 1/2/3 », « La mort au choix », « Bûcherons » et le déjà très culte « Amputé », en vue d’un split maxi-45 tour avec Guernica.
Glaciales et oppressantes, soutenues par l’obsédante boîte à rythmes et déchirées par les riffs simplistes d’une guitare abrasive, les quatre pièces de « Nada » sont d’un minimalisme taillé au scalpel qui fait froid dans le dos. Une musique d’aliéné tout droit sorti d’un bloc opératoire dans lequel résonne de terrifiants échos : « ...Torture mentale physique psychose... »... Fort de cette première trace vinylique, le duo continue plus que jamais ses expériences live et ses prestations sauvages. Guitare, boîte à rythmes et amplis à piles, donnent en effet une grande liberté de mouvement au groupe qui se meut de squats en squats, allant même jusqu’à jouer à cache-cache avec la RATP dans le métro lors de la fête de la musique 1983. Une véritable « Unité Mobile de la Guérilla Urbaine » qui annonce déjà le « Petit Théâtre de Force » des futures années Bérurières. En décembre, la paire retourne brièvement en studio pour y enregistrer « Macadam Massacre », un premier album dans lequel l’influence de Métal Urbain se fait plus que présente. Pourtant, la singularité du son Bérurier apparaît d’ores et déjà comme évidente ; largement esquissé sur « Nada », leur style neurasthénique et hypnotique prend sa pleine dimension sur dix titres glauques à souhaits, comptines industrielles parfumées d’éther, de napalm et de béton. Las d’une humanité barbare et d’un monde où seule la force fait loi, le duo égrène ses peurs et ses haines (« J’ai peur », « Frères d’armes ! ») jusqu’à arriver au nihilisme le plus total de « Manifeste ». Pour les Béruriers version 1983, le monde est déjà une vraie porcherie et les lendemains ne chanteront sûrement pas, si ce n’est un requiem bien mérité...
Cette réalisation à taille réelle va permettre à un public de plus en plus nombreux et curieux, d’apprivoiser l’alchimie conceptuelle du groupe et son style unique. Un singularisme qui les distingue d’entrée de la seconde génération punk, celle du « Punk’s not dead » d’Exploited ou GBH, et qui lance, sans le savoir, les graines d’un « keupon à la française » qui s’auto-baptisera bientôt « alternatif ». Mais certaines formations ne goûteront pas de leur vivant à ce mouvement bouillonnant de créativité. Ainsi les frappadingues Lucrate Milk, premiers compagnons d’infortune des Bérus se sabordent en 1984. Un split duquel Fanfan et Loran sauront tirer avantage en intégrant le saxophoniste Masto ainsi qu’ Helno, Marsu et Laul, amis de longue date qui se sont progressivement invités comme « choristes », ajoutant une touche bordélique et festive au performances, jusqu’ici plutôt cliniques, du duo. Mais devant le nombre croissant de squats murés par un gouvernement Mauroy qui redoute la prolifération de foyers d’extrême gauche, les Bérus décident d’approfondir leur concept d’Unité Mobile de la Guérilla Urbaine en posant leurs amplis là où bon leur semble. Ainsi le 29 mars 1984 investissent-ils la fac de Tolbiac pour un concert chamarré, signant là le manifeste du « Petit Théâtre de Force » : une comedia dell’arte pour guitare et masques à gaz, une gigantesque pantalonnade où seules comptent la spontanéité et l’énergie. Un rock libre et ouvert à ceux qui veulent bien le faire vivre. Le message passe. Ainsi, Bérurier Noir deviennent-ils les deux mots clés d’un bouche-à-oreille qui ne se cantonne plus seulement à Paris et sa banlieue mais qui touche la province et même l’étranger ! Bordeaux, Poitiers, Bruxelles ou Dublin, la traînée de poudre bérurière se propage à travers la France et au-delà, entraînant entre deux spectacles sauvages son lot de galères et d’impromptus. Mais ces différentes campagnes extra-parisiennes permettent aussi au groupe de jauger sa popularité grandissante auprès d’un nouveau public qui se reconnaît dans les messages et les attitudes véhiculés par la troupe.
Fidèles à leurs principes d’unité et d’entraide, les Bérus se retrouvent également au centre d’une flopée de jeunes formations avec lesquelles ils n’hésitent pas à partager les nombreuses « scènes » qui leur sont proposées. Ainsi les Ludwig Von 88, Ausweis et autres Souris Déglinguée accoleront-ils souvent leur nom sur les affiches de concerts des BxN. Forts des nouvelles forces vives qui composent à présent la « nébuleuse Bérurier Noir » (deux jeunes Tourangelles, les Titis, font office depuis peu de danseuses-choristes), le groupe rentre en studio début 85 pour y enregistrer son second opus « Concerto Pour Détraqués ». Oublié les rythmes mid-tempos d’il y a peu et le « no future » en clair-obscur de « Macadam Massacre » ; l’ouverture du concerto se fait ici sur la cadence frénétique d’un « Petit agité » qui dégage la voie à une ribambelle d’hymnes à l’insoumission et à la liberté. « Vivre libre ou mourir », « Conte cruel de la jeunesse », « Le renard », « Hélène et le sang », « Porcherie »... les titres parlent pour eux-même, fustigeant tour à tour la paranoïa sécuritaire, les camisoles chimiques, le viol ou l’extrême droite. Un récital à trois accords dédié à une France détraquée dont une partie pleure déjà sur les illusions perdues de 1981... Mais tout n’est pas noir dans cet album. Renforcé par une armada de choristes (apparition des fameux refrains oï !) et par le sax de Paskal Kung-Fou, la troupe parvient à retranscrire l’aspect festif et chahuteur de leurs concerts, faisant de « Concerto... » une véritable piste aux étoiles où s’entrechoquent énergie grimaçante et rébellion clownesque ! À mi-chemin entre Barnum et « Orange Mécanique », les Bérus affinent une imagerie unique et séduisante, largement relayée par les dessins de Laul qui devient le « graphiste » officiel de la raïa masquée. Marsu, qui s’est petit à petit imposé comme le manager naturel du groupe, crée quant à lui son propre label : Bondage. Un accord tacite est signé entre le label et le groupe, qui sort donc « Concerto Pour Détraqués » courant 1985 dans la plus totale indépendance, continuant ainsi dans la voie qu’il s’est toujours imposé de suivre. L’année 1985 voit donc s’organiser quelque peu le grand « macadam circus » qu’est en train de devenir Bérurier Noir : la troupe garde un contrôle total sur son image, sa propagande, le prix des billets et va même jusqu’à créer son propre service d’ordre. Une organisation auto-gérée, parée pour affronter les sirènes du show-biz qui commencent à reluquer du côté de ces « petits agités ». Les Bérus multiplient par ailleurs les concerts de soutien, n’hésitant pas à traverser l’hexagone pour aller manifester leur bruyante solidarité avec les chômeurs ou le SCALP. En novembre, le petit cirque enregistre le EP « Joyeux Merdier ». Un bordel bariolé d’humour noir qui révèle deux nouveaux immenses chants de ralliement : l’incendiaire « Vive le feu » et l’hymne « Salut à toi » qui deviennent dès lors d’incontournables classiques. Mais il faut attendre fin 1986 et le 45 tours « L’Empereur Tomato-Ketchup » avant de retrouver trace du groupe sur disque. Une année pendant laquelle le « troupeau d’rock » sillonne France, Belgique et Suisse, avec en point d’orgue leur premiers « gros concerts » à la Mutualité, à l’Elysée-Montmartres et aux Transmusicales de Rennes. Trois évènements d’importance que la presse ne peut plus ignorer. Actuel, Best ou NRJ s’emparent du « phénomène », marchant ainsi sur les plates-bandes des fanzines, radios libres et autres organismes alternatifs dont certains n’hésitent déjà pas à crier à la récupération. Qu’importe, malgré le poids et l’influence des médias, la troupe garde la tête froide et reste solidement accrochée à ses idéaux d’indépendance.
Mais cet intérêt soudain ne se fait pas sans douleur ni trouble au sein même du gang. Pression médiatique mais également galères de tournées et arnaques fragilisent l’osmose du groupe et attisent les sensibilités. Pour couper court à cette situation qui ne demande qu’à empirer, les Bérus décident de se retirer pendant quelques semaines et mettent ce break à profit pour enregistrer leur troisième album. « Abracadaboum » décrit bien dans son titre la teneur de ces dix nouvelles bombinettes concoctées par Loran et François. Toujours plus loufoque et cynique, le rock facétieux de la raïa continue de crier victoire et d’invoquer la rébellion, qu’elle soit d’ici (« Nuit Apache ») ou d’ailleurs (« Casse-Tête Chinois »). Aussi colorée qu’énervée, la troupe bérurière fait un boucan d’enfer, transformant chaque titre en gag contestataire, chaque refrain en hymne de rue, chaque cadence en pogo ! La fascination de François pour l’Extrême-Orient prend par ailleurs ici sa pleine dimension, ajoutant un peu de folklore à cet « Abracadaboum » unanimement acclamé à sa sortie en juin 1987. L’année 1988 débute sous les meilleurs auspices avec une date légendaire au Zénith de Paris qui ouvre la porte sur une multitude de concerts, dont une triomphale tournée au Québec. Côté studio, la bande trouve le temps d’enregistrer le maxi « Ils veulent nous tuer », le 45 tours « Viêtnam Laos Cambodge » (réalisé au profit de l’association Sampan qui soutient les réfugiés du Sud-Est asiatique) et le split 45 tours « Mackhnovtchina » avec Haine Brigade. Une année donc très prolifique mais qui s’achève sur le départ d’Helno, parti se consacrer aux Négresses Vertes et sur un premier clash avec Bondage. Les relations entre le groupe et son label ne cesseront dès lors de se détériorer, à l’image d’un mouvement alternatif qui vit ses dernières heures d’indépendance. La seconde génération emmenée par la Mano Negra ou Les Satellites ne tarde guère à succomber à l’appel des majors. Pour Loran et François, c’en est trop ! « Vivre Libre ou Mourir » n’était pas une phrase en l’air, les Bérus le prouvent en programmant leur séparation pour la fin 1989. Néanmoins, le groupe maintient l’enregistrement de son quatrième album, « Souvent Fauché Toujours Marteau ». Réalisé par Eric Débris de Métal Urbain et mixé par Franz Treichler des Young Gods, cet opus révèle une production surprenante de puissance et de limpidité qui dynamise les nouveaux morceaux de bravoure que sont « 2 clowns », « Camouflage » ou « Protesta ». Malgré quelques relents « Abracadaboumesques » (« Clockwork Béru »), le ton des compositions n’est plus au fun. Les derniers troubles rencontré par le groupe et ce split annoncé apparaissent en filigrane derrière des titres parfois très noirs (« Carnet de route », « Soleil noir »). Une nouvelle fois, le public acclame le disque à sa sortie en octobre 1989. Mais les Béruriers ont déjà la tête ailleurs, partis sur la route pour une tournée d’adieux de douze dates qui les emmène en Suisse et au Québec avant un seppuku historique à l’Olympia les 9, 10 et 11 novembre.
Ce suicide en forme de carnaval marque le dernier grand fait d’armes de l’armada qui offre à son public trois soirée d’intense folie, enchaînant ses plus grands hymnes sous un déluge de slogans vengeurs (« La jeunesse emmerde le Front National ! »), de déguisements, de danse et d’happenings en tout genre. Un testament qui sortira en double vinyle un an plus tard sous le nom de code « Viva Bertaga » (une vidéo sera également commercialisée) et qui constitue encore à ce jour l’une des pièces les plus incontournables du rock français. Dégagé de ses obligations bérurière, François s’en va former Molodoï tandis que Loran replonge dans l’underground avec, entre autre Tromatism, laissant le fantôme de Bérurier Noir s’installer durablement dans la mémoire collective de nouvelles générations pour qui Bérurier rime désormais avec Liberté. Silencieux tout au long des années 90, le duo profite de la sortie d’un double DVD, « Même Pas Mort », pour refaire parler de lui en 2003 en se reformant brièvement le temps d’un concert cataclysmique aux Transmusicales de Rennes. À ce jour, personne ne sait encore quel sera l’avenir du groupe...
Une chose est pourtant sur... les BERURIER NOIR on fais rêver des millier de jeune et encore aujourd'hui il touche les ancien fan et les jeune de 15 a 25 ans...Voir plus